Asseoir les environnementalistes et les gens d’affaires à la même table

Le billet de Julie Poitras-Saulnier

Lundi 6 mars 2017
Et si les entreprises repensaient complètement leurs modèles d’affaires pour ne pas être une source de pollution, mais plutôt une source de solutions? Et si ce nouveau modèle les rendait également économiquement profitables en plus d'être capables d’offrir aux consommateurs des produits responsables à un prix encore plus abordable? Bref, et si tout cela était possible sans compromis? 

Voilà la vision qui m’a poussée, il y a un an, à quitter mon travail pour cofonder LOOP. Ce faisant, j’ai réalisé que ma qualité d’apprenti entrepreneure était davantage une force qu’une faiblesse. Ne pas savoir ce qu’était une « entreprise traditionnelle » et ne pas avoir d’idée préconçue sur la façon dont on doit faire des affaires était mon plus grand atout pour concrétiser ce désir de repenser le modèle d’affaires. 

Être entrepreneur, c’est avoir l’occasion de réinventer le monde à sa façon. Mais ce ne devrait pas être qu’aux jeunes entreprises et aux jeunes rêveurs de porter la cause de l’innovation sociale et environnementale. Pour la servir et la faire avancer, il faut une alliance avec de grandes entreprises déjà établies. Qui plus est, pour ces dernières, le pari pourrait même s’avérer payant. Avec LOOP, je veux inspirer le changement en démontrant qu’il peut être profitable pour tous de faire tomber les barrières organisationnelles pour créer des relations porteuses de sens. Je désire démontrer qu’un modèle d’affaires axé sur l’économie circulaire n’est pas qu’utopie. LOOP épouse une cause, celle du gaspillage alimentaire.

Il y a un an, David Côté et moi étions deux jeunes entrepreneurs et nous nous sommes associés à un important distributeur centenaire de fruits et de légumes pour transformer ses surplus (de l’ordre de 18 tonnes par jour!) en jus pressés à froid. Pour boucler la boucle, nous donnons notre pulpe résiduelle à une entreprise qui la transforme en croquettes pour chiens. Ce modèle modèle d’affaires illustre ce qu’est le principe de l’économie circulaire. Nous créons de la valeur sans extraire de ressources naturelles : nous transformons les matières rejetées par une entreprise en matières premières pour une autre entreprise. 

Consultez aussi : Le billet de David Côté

Pour le distributeur, il s’agit d’une occasion de transformer ses pertes en profits, tout en réduisant ses coûts liés à l’enfouissement des aliments. Quant à LOOP, cette association lui permet de réduire considérablement le coût de ses matières premières. De plus, nous profitons du réseau de distribution de notre associé, de sa flotte de véhicules de transport et de l’entreposage réfrigéré. Nous partageons même certaines activités administratives. Grâce à la mission de notre entreprise, nous pouvons également donner un sens à nos produits, ce qui permet aux produits de notre marque de se différencier de ceux de la concurrence. 

Cette association permet au consommateur de trouver un produit de haute qualité à un prix beaucoup plus abordable, soit à presque la moitié du prix de produits similaires sur le marché. D’un point de vue environnemental, LOOP détourne ainsi chaque année des centaines de tonnes de fruits et légumes du site d’enfouissement, ce qui permet d’éviter la production de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre et d’économiser des millions de litres d’eau. 

Quand nous nous sommes lancés dans cette aventure, j’appréhendais les enjeux et défis que j’estimais beaucoup plus nombreux qu’ils ne le sont réellement. J’étais loin de m’imaginer à quel point cette alliance d’entreprises pouvait être avantageuse. Aujourd’hui, les deux pieds dedans, j’ai honnêtement du mal à imaginer un modèle plus gagnant-gagnant pour tous. Pour une fois, j’ai l’impression d’asseoir à la même table les environnementalistes et les gens d’affaires pour parler un langage commun qui plaît aux deux parties.