Comment mesurer l’impact social de son entreprise?

Voir plus loin

Vendredi 12 janvier 2018
Il est révolu le temps où les entreprises se préoccupaient seulement de leurs performances économiques et financières! Désormais, elles se montrent de plus en plus soucieuses des changements sociaux et environnementaux induits par leurs activités.

La question de la mesure de l’impact social des entreprises se pose sans cesse davantage depuis une dizaine d’années environ et devient incontournable pour de nombreux entrepreneurs. 

« Nous sommes au début d’une nouvelle ère, où l’entreprise n’est plus juste une entité indépendante. La mesure de l’impact social va s’imposer comme un standard, prédit Alain-Olivier Desbois, cofondateur de l’incubateur-accélérateur Espace-inc et spécialiste de l’investissement d’impact. Les investisseurs ont déjà commencé à intégrer cette information dans leurs évaluations des risques des entreprises ».

De plus en plus, les consommateurs et les employés cherchent à comprendre l’impact social des produits qu’ils consomment ou qu’ils contribuent à faire développer. « Les organisations qui se positionnent dès maintenant par rapport à l’impact social disposent donc d’un avantage concurrentiel », estime Pascal Grenier, cofondateur et président de l’Esplanade. En deux ans d’existence, cet accélérateur montréalais voué à l’entrepreneuriat social a accompagné 38 entreprises, notamment dans l’analyse et la mesure de leur impact social.

Une approche holistique

Mesurer l’impact social de son entreprise permet de contribuer à la reddition de comptes aux parties prenantes : actionnaires, bailleurs de fonds, etc. Cela peut aussi aider l’entrepreneur à orienter sa stratégie et à développer ses activités de façon plus cohérente. Par exemple, une marque de vêtements affichant des valeurs progressistes pourra prendre conscience des externalités générées par le fait de faire affaire avec des ateliers de misère au Bangladesh. 

Cependant, Alain-Olivier Desbois recommande d’éviter d’adopter une logique purement marketing en ne considérant l’impact social que comme un outil de communication, de la même manière que l’approche du développement durable de certaines entreprises relève surtout de l’écoblanchiment (greenwashing).

« Il s’agit d’incarner une posture, d’adopter une démarche de tous les instants en plaçant la question de l’impact social au cœur de l’ADN de l’entreprise. »

Alain-Olivier Desbois

Il est primordial de se demander quelle intention se cache derrière la volonté de mesurer l’impact social de son entreprise pour choisir la façon de s’y prendre, parce qu’il existe de nombreux outils pour ce faire. « Un jour, nous aurons des standards, comme les normes ISO qui sont en vigueur dans le secteur industriel, mais nous n’en sommes pas encore là », explique Alain-Olivier Desbois. Cette multiplicité des méthodes est loin de constituer un problème pour cet expert. « La mesure de l’impact social n’est pas une science exacte, cela prend plusieurs méthodologies pour pousser la réflexion. » 

Différentes options

Première possibilité pour les organisations à but lucratif qui souhaitent mesurer leur impact social : décrocher la certification B Corp. Délivrée par B Lab Canada pour les entreprises d’ici, cette certification internationale récompense celles qui s’emploient à réussir en affaires en considérant la société et l’environnement. L’obtention de la certification B Corp n’est pas si coûteuse, mais elle est parfois jugée difficile par les entreprises qui ont complété le processus. Toutefois, il est possible de s’évaluer facilement en ligne sur le site de B Lab Canada et ainsi de dresser un inventaire des impacts générés par son entreprise. 

Consultez aussi : La certification WELL : favoriser le bien-être au travail

Certaines entreprises font le choix d’utiliser les lignes directrices de la Global Reporting Initiative (GRI), qui vise à évaluer l’avancement des entreprises en matière de développement durable. La GRI prend notamment en compte les impacts sociaux et sociétaux. « Toutefois, ce cadre est assez contraignant et rigide », remarque Pascal Grenier.

Autre indicateur à considérer : le rendement social de l’investissement. Contrairement aux deux méthodes précédentes qui se concentrent sur les actions mises en place par les entreprises pour améliorer leur impact social, cet indicateur s’attache à quantifier cet impact. Cet outil est particulièrement utile pour chiffrer des coûts ou des retombées non tangibles. « Par exemple, savoir combien coûte l'itinérance à la Ville de Montréal peut faciliter la compréhension de ce phénomène et la prise de décision », explique-t-il. Très complète, la méthodologie d’évaluation de ce rendement est également complexe. 

Quant à la théorie du changement, elle est à privilégier par les entreprises s’inscrivant dans une réflexion stratégique à long terme. Cet outil souple aide à définir l’impact ultime que l’organisation souhaite avoir, puis à tracer la voie pour y arriver. 

De petits pas toujours bénéfiques

Pour s’y retrouver parmi ce large éventail de méthodes, les entrepreneurs ont tout intérêt à se faire accompagner. Le choix des outils va notamment dépendre des moyens financiers et humains que l’entreprise peut affecter à la mesure de son impact social. « Les indicateurs du cadre GRI sont renouvelés tous les ans, alors cela exige des ressources », souligne Pascal Grenier. 

Nos deux experts conseillent aux organisations qui ne se sentent pas prêtes à se lancer dans un processus compliqué de certification de commencer par examiner les impacts sociaux atteints par les entreprises de leur secteur. Effectuer cette analyse comparative permet de voir comment son entreprise se positionne. Comment déterminer les impacts sociaux qui vont servir de points de comparaison? Alain-Olivier Desbois suggère de prendre comme référence les 17 objectifs de développement durable adoptés en 2015 par les Nations Unies. « Cette première démarche peut mener ailleurs par la suite, avance-t-il. Il ne faut pas être dogmatique ni chercher à être parfait! »