LeddarTech: une stratégie qui voit loin

L’histoire de Charles Boulanger

Vendredi 16 novembre 2018
D’abord employé intrapreneur, Charles Boulanger est devenu un entrepreneur en série qui a mené à bien une foule de projets rentables. Il est aujourd’hui à la tête de LeddarTech, une entreprise de technologie de pointe dans le domaine de l’optique. Celle-ci se démarque grâce à la vision claire de l’entrepreneur et à sa connaissance approfondie du secteur.

LeddarTech est issue de l’Institut national d’optique (INO), un centre de recherche de pointe installé dans le Parc technologique de Québec. C’est là qu’a été mise au point, au début des années 2000, une technique avant-gardiste de télédétection par laser, c’est-à-dire d’évaluation des distances au moyen de signaux lumineux. Ces recherches ont mené à la création, en 2007, de l’entreprise LeddarTech. Approché par des fonds ayant investi dans l’entreprise, Charles Boulanger a embarqué dans l’aventure en 2012. Il occupe le poste de président et chef de la direction de LeddarTech depuis 2014. Il a depuis redressé l’entreprise et mis à profit ce qu’il qualifie de « technologie de classe mondiale » en orientant le modèle d’affaires vers une plateforme de développement de capteurs lidars (de l’acronyme light detection and ranging) haute performance, notamment pour le secteur de l’automobile, qui s’en sert, par exemple, pour élaborer des dispositifs de conduite mains libres.

Un autre regard

Puce LeddarTech

Le marché des lidars étant très concurrentiel, LeddarTech devait se distinguer des autres. « J’ai toujours fait la même chose dans mes entreprises, explique Charles Boulanger. Il faut déployer beaucoup d’efforts pour la stratégie afin de définir la raison d’être de l’entreprise et soutenir ce facteur de différenciation. À l’époque où nous développions des capteurs pour différents secteurs, je ne trouvais pas que nous avions cet élément différentiateur parce que nous ne connaissions pas assez bien leurs marchés verticaux. Si tu n’es pas expert dans un marché vertical donné, tu ne peux pas trouver la bonne application pour celui-ci. »

En y réfléchissant bien, on a conclu que la spécificité de la technologie de LeddarTech tenait au fait qu’elle permettait la création de lidars performants à meilleur marché. C’est ce qui a mis la puce à l’oreille du dirigeant et qui l’a amené à considérer le modèle de plateforme. Pour adopter celui-ci, il fallait que l’entreprise puisse travailler dans le microconducteur, c’est-à-dire intégrer la technologie dans une puce électronique. « L’essentiel de notre technologie peut tenir dans une micropuce puisque 90 % de notre solution est logicielle, affirme le PDG. L’intérêt de notre technologie réside dans la manière dont les données sont captées et traitées. Nous avons déterminé que la façon la plus judicieuse de percer le marché et de commercialiser le produit était de fournir notre solution logicielle dans un circuit intégré : celui-ci deviendrait alors le véhicule de commercialisation. » Et c’est ce que LeddarTech a fait.

Cependant, afin d’expliquer le coût de l’investissement et d’intéresser les fabricants de puces, il fallait trouver un secteur d’activité industrielle présentant un volume suffisant pour justifier un dossier d’analyse. Le secteur automobile répondait à ces critères et le lidar commençait à y être perçu comme un outil nécessaire à l’autonomatisation. L’équipe de LeddarTech a donc entrepris d’approcher directement les équipementiers, ces entreprises spécialisées en fabrication de composantes automobiles spécifiques, afin de leur proposer sa plateforme de développement de lidars.

Une question de perspective

La croissance de LeddarTech est attribuable à sa technologie, mais également à son positionnement dans une industrie concurrentielle. De fait, les équipementiers avec lesquels LeddarTech fait des affaires voient celle-ci davantage comme un facilitateur qu’un concurrent puisque son modèle d’affaires leur permet de créer les composantes dont ils ont besoin. « Sur le plan de la gestion de la croissance, le secteur de la technologie pure est très différent de ce que j’avais jusqu’alors connu dans mes entreprises précédentes, précise Charles Boulanger. Le premier facteur de succès dans ce cas-ci est le temps de mise sur le marché. » La formule choisie par LeddarTech comporte plusieurs avantages. Elle permet, entre autres, d’éviter les risques et les coûts inhérents au développement des lidars (ces systèmes doivent répondre à des critères de sécurité fonctionnelle très précis) et d’accélérer la mise en marché des produits. Comme le rappelle le dirigeant, « en technologie, il ne faut pas penser qu’à la technologie. Il faut se doter d’un plan pour franchir les étapes ». C’est pourquoi, plutôt que de se lancer dans une dynamique de concurrence, LeddarTech a décidé de privilégier une approche valorisant l’écosystème.

La « recette Boulanger »

« LeddarTech sera un éléphant ou une souris, mais il n’y aura pas d’entre-deux », affirme sans détour l’entrepreneur. Et pour l’avoir déjà expérimenté, il sait que prendre les bouchées doubles est souvent le seul moyen de se donner une chance de se démarquer. C’est ainsi que le chef de LeddarTech a exprimé le désir de vendre un milliard de lidars. Pour y parvenir, LeddarTech doit stimuler sa croissance; elle est d’ailleurs dans une phase d’expansion « afin de suivre le talent ». L’entreprise, qui possède des bureaux à Montréal et à Québec, vient d’en ouvrir de nouveaux à Toronto et à Linz, en Autriche. Elle compte aussi des ambassadeurs à Milan, à Munich, à Detroit, à Dallas et à Turin, et elle envisage de s’implanter à Shanghaï, à Séoul et dans la Silicon Valley cette année. Mais qui dit acquisition de talents dit également financement. « La première qualité d’une entreprise technologique est de savoir lever des fonds », déclare Charles Boulanger, dont c’est aussi la spécialité. Définir des étapes concrètes, atteindre les objectifs et trouver des investisseurs et partenaires dans plusieurs secteurs n’a plus de secret pour lui.

Selon celui qui est, entre autres, membre actif d’Anges Québec et du comité de la grappe des industries en intelligence artificielle, fondateur de Québec International et partenaire de trois fonds d’investissement, « il est essentiel pour un entrepreneur de se connaître, puis de savoir lire son environnement. Moi, ce qui me motive, c’est de bâtir, de m’assurer que les affaires roulent. À la fin, quelle que soit l’entreprise, c’est toujours le même exercice et toujours aussi motivant ».

L’entreprise en chiffres

  • 106 : nombre d’employés embauchés entre le primtemps 2017 et l’automne 2018
  • 70 : le nombre minimum de postes à combler d’ici novembre 2019)
  • 6 : le nombre d’équipementiers avec lesquels l’entreprise a conclu une entente
  • 5 : le nombre de pays dans lesquels LeddarTech mène ses activités

 

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